« Opérations inutiles, mauvaise gestion », tel est le reproche fait aux hôpitaux privés dans la rubrique économique du « Blick » du 12 août 2022.
Même si l’article se concentre sur l’hôpital AMEOS d’Einsiedeln, ses problèmes sont projetés sur tous les hôpitaux privés. Comme cet article mélange les problèmes d’un seul hôpital avec des déclarations sur l’ensemble du système de santé, l’Association Suisse des Médecins indépendants travaillant en Cliniques privées et Hôpitaux (ASMI) ne veut pas laisser passer ces déclarations contestables sans réagir :
L’affirmation selon laquelle les soins hospitaliers en Suisse sont deux fois et demi plus élevés qu’en Allemagne est peut-être vraie en tant qu’affirmation absolue, mais elle perd de sa signification si l’on compare les coûts du système de santé avec d’autres chiffres. Si l’on considère que le coût de la vie et le revenu net des Suisses sont également (presque) deux fois et demi plus élevés qu’en Allemagne, il apparaît que soit le système de santé suisse est plus avantageux et plus efficace, soit le budget global allemand est plus inefficace et plus cher.
L’augmentation des coûts du système de santé suisse est (entre autres) due au « niveau de salaire nettement plus élevé » du personnel infirmier et médical en Suisse par rapport à l’Allemagne. On cite : « En Suisse, plus du double de médecins et de personnel soignant s’occupent du même nombre de patients ». Toutefois, des situations comme celles de l’Allemagne ne sont en aucun cas souhaitables, car c’est justement dans ce pays que l’on constate les effets massifs du manque de personnel, tant au niveau du personnel soignant que du personnel médical. Ces derniers souffrent d’épuisement professionnel et de surcharge permanente. Le taux élevé de burnout du personnel soignant allemand est attribué au nombre beaucoup trop élevé de patients par soignant et pourtant, l’article réclame implicitement la même situation pour la Suisse.
Par ailleurs, cet article affirme que les grands hôpitaux sont en soi plus efficaces que les petits. Or, il n’existe pas de définition claire du critère permettant de déterminer quand un hôpital est considéré comme grand, comme petit, ou encore trop petit. Dans leur étude, Giancotti et al indiquent que des économies d’échelle positives peuvent être attendues entre 200 et 300 lits, et des économies d’échelle négatives entre moins de 200 et plus de 600 lits. Ainsi, les grands hôpitaux de Suisse souffrent également d’effets d’échelle négatifs. Cela signifie que lorsque la taille de l’hôpital augmente, les coûts d’exploitation de l’hôpital augmentent plus fortement que les possibilités de rendement de l’hôpital. Dans les hôpitaux trop petits, les revenus sont trop faibles pour être rentables, par exemple en raison de coûts fixes trop élevés par rapport au capital investi.
Une étude de Hoppeler et al, qui attribue aux grands hôpitaux publiques suisses des économies d’échelle et des coûts de complexité négatifs, parvient à une conclusion similaire. Les coûts de complexité se réfèrent à la multitude de prestations offertes au sein d’un hôpital, dont font partie les traitements multidisciplinaires qui ne peuvent être traités que dans les hôpitaux universitaires. On peut se demander pourquoi les hôpitaux universitaires souhaitent en outre prendre en charge les cas les plus simples, qui peuvent être traités à moindre coût dans les hôpitaux de soins primaires. Les économies d’échelle négatives se rapportent en particulier aux différents niveaux d’organisation des grands hôpitaux. Cela entraîne une augmentation des coûts due à une communication insuffisante et également plus coûteuse, ainsi qu’une baisse de la motivation du personnel, considéré comme un « produit de masse ».
Une étude publiée le 25 août 2022 montre que « l’efficacité » des hôpitaux publics et subventionnés repose peut-être sur « qui » dirige l’hôpital et non sur « comment » il est dirigé. Stefan Felder et al. ont publié, au nom de « ospita – Les entreprises suisses de santé », leur étude concernant les différences de tarifs et de financement entre hôpitaux publics et cliniques privées dans le secteur des soins aigus stationnaires entre 2013 et 2020, avec un focus sur Covid-19.
L’étude a été publiée sur le site d’ospita. Les conclusions suivantes de l’étude sont au premier plan :
- 94,2 % de toutes les subventions vont aux hôpitaux publics et subventionnés, pour une part de marché (en jours de soins) d’environ 81 %.
- Les trois voies principales de subvention indirecte des hôpitaux publics et subventionnés sont les suivantes :
- Rémunération des prestations d’intérêt général (PIG).
- Subvention d’un hôpital par un tarif de base excessif.
- Financement direct ou indirect des coûts d’investissement des hôpitaux.
Une différence essentielle entre les groupes hospitaliers réside dans le financement des hôpitaux publics par les types de subventionnement susmentionnés. Ces subventions peuvent être accordées aux hôpitaux publics et subventionnés principalement en raison de la pluralité des rôles tenus par les cantons.
Une discussion sérieuse sur les coûts de la santé et le rôle des hôpitaux publics, subventionnés et privés dans le système de santé suisse ne peut pas être menée sans une présentation transparente des subventions que les hôpitaux publics et subventionnés reçoivent par le biais de leurs cantons respectifs.
Un autre reproche adressé aux petits hôpitaux est qu’ils exploitent les patients privés afin d’obtenir un taux d’occupation des lits le plus élevé possible. Tous les hôpitaux, qu’ils soient grands ou petits, privés ou publics, sont soumis à la nécessité d’être rentables. Ce reproche peut donc être transposé tel quel aux grands hôpitaux, car un faible taux d’occupation des lits est également inefficace pour eux et les patients bénéficiant d’une assurance complémentaire constituent également une source de revenus importante.
Enfin, l’un des économistes de la santé suggère dans l’article que les médecins soient rémunérés en fonction de la qualité et non de la quantité des traitements. Cette proposition est toutefois beaucoup trop réductrice, car seuls les patients dont les bonnes perspectives de guérison attestent de la qualité du traitement seraient alors traités. Sinon, ce système se heurterait très vite à la question insoluble de savoir comment mesurer la qualité des traitements. En d’autres termes, chaque cas traité se retrouverait devant une commission, voire un tribunal, de sorte que les médecins pourraient se battre pour obtenir leur rémunération mensuelle.
En fin de compte, cette approche entraînerait dans tous les cas une augmentation de la charge administrative des médecins. Une charge administrative accrue met en péril la qualité et entraîne en fin de compte des coûts plus élevés pour les contribuables et les payeurs de primes.